jeudi 25 novembre 2021

TDoR 2021

 J'ai pas écrit ici depuis des lustres, du coup je me dis que je peux partager le texte que j'ai écrit pour le TDoR cette année histoire que ce blog vive un peu.

"Hommage, trans assassiné-e-s, la transphobie tue"


J’ai vécu plusieurs fois cette année cette scène où je discute avec un-e ami-e trans, qu’on se donne des nouvelles d’autres personnes trans qu’on connaît, et que parfois, quand on arrive à telle ou telle personne, la demi-seconde de silence en trop avant la réponse est déjà une réponse en soi.

C’est compliqué de jongler entre la tristesse, la colère, l’envie de continuer d’essayer de s’organiser pour arrêter le massacre, le désespoir et l’envie d’abandonner devant l’étendue du travail qu’il reste à faire, le besoin de se protéger soi-même, et de la difficulté d’exister sans les luttes collectives. Cette année il y a aussi eu la culpabilité. Parmi les personnes trans décédées à Rennes, majoritairement par suicide, j’en connaissais deux. Sté et Elise n’étaient pas des ami-e-s proches, mais ce sont des personnes que j’ai croisées pendant des années, dans des cadres associatifs mais aussi amicaux, avec qui j’ai partagé des activités, que ce soit des manifs, des permanences, mais aussi des balades, des discussions, des embrouilles, des coups dans des bars, des fêtes, enfin de la vie quoi. Comme pas mal de potes trans avec qui j’ai discuté pendant ces périodes, j’ai culpabilisé, parce que ce n’était un secret pour personne que ces personnes allaient mal, et que les espaces et le soutien communautaire n’a pas suffit, parce qu’on pense ne pas avoir essayé assez de les aider, ou pas de la bonne manière et parce que aider des personnes qui vont très mal, c’est très difficile pour différentes raisons. Alors on culpabilise, on réfléchit, et on se dit : « plus jamais ça ».

Le problème c’est qu’on a un pouvoir limité, en terme de nombre, d’énergies et de santé mentale notamment. Et surtout, je pense que ça devrait être au reste de la société de culpabiliser et pas à nous, les communautés trans. Si les personnes qui nous agressent, nous tuent, nous violent, les médecins qui nous refusent des soins, les psychiatres qui nous maltraitent, les parents qui nous foutent à la rue, les militants qui nous utilisent et nous exotisent, les partenaires qui nous maltraitent, si les personnes responsables de la transphobie se sentaient responsable ne serait-ce qu’à hauteur d’un dixième de la culpabilité qu’on ressent nous, les victimes de la transphobie, je suis convaincu que les lignes pourraient bouger de manière considérable sans qu’on ne s’épuise.

J’aimerais que la psychiatrisation des identités trans et tout l’historique de maltraitances psy qui va avec arrête de nous empêcher de parler de notre santé mentale. Entre les dépressions, les addictions, les traumas liés aux agressions de toutes sortes, l’isolement et la précarité, on est une communauté qui va plutôt mal. Mais on ne doit pas trop en parler, parce que le monde cis a tendance à penser que si on va mal, c’est parce qu’on est trans, et qu’une fois qu’on a transitionné, on va bien. Évidemment que transitionner règle certaines choses, mais ça n’efface pas le fait qu’on est abimé-e-s, et ça ne fait pas non plus miraculeusement disparaître les violences, qui ne disparaissent pas mais se transforment. Et si ça se bouscule au portillon pour nous psychiatriser quand on veut commencer à transitionner, c’est plutôt le désert ensuite quand on a besoin de gérer nos traumas liés à la transphobie. Alors on bricole comme on peut en évitant les violences, on se retrouve entre vieux et vieilles trans et on essaie de se soutenir comme on peut, on essaie de laisser de la place dans nos vies à la joie et à l’amour, on construit des familles, bref, on essaie de vivre et de construire malgré tout des espaces et moments chouettes, où on n’a pas besoin de planquer sous le tapis le fait qu’on en chie malgré tout.

J’ai envie d’en profiter pour dire aux personnes cis : soyez là pour commémorer nos morts, mais intéressez-vous aussi à nos vies. Comprenez et partagez notre colère, nos luttes, et rendez-nous la vie plus facile. Parlez à vos médecins des initiatives communautaires qui existent, et incitez-les à les rejoindre : ces initiatives aident concrètement à rendre nos parcours et nos vies plus faciles et à épargner des traumatismes aux prochaines personnes trans qui transitionneront. Adhérez aux associations trans et manifestez vous quand il y a besoin d’un coup de main, filez des thunes quand vous en avez, partagez les contenus militants qu’on produit. Et partagez aussi nos joies et nos réussites.

Aux camarades trans : j’ai envie qu’on vive et pas qu’on survive. J’ai envie que la peur change de camp, et qu’on trouve ensemble la force de continuer à se battre, mais aussi de partager ensemble autre chose que de la colère et de la tristesse.

À toutes celles et ceux qui ont disparu cette année et les précédentes : on vous garde dans nos cœurs, on n’oubliera pas vos prénoms et vos visages, et on continuera de lutter en votre mémoire.

mardi 8 octobre 2019

Les luttes inclusives, un enfer pavé de bonnes intentions aka réflexion sur les luttes pour l'accès des personnes trans à la parentalité


[Que ce soit clair, je soutiens évidemment les revendications des couples de femmes et des femmes célibataires quant à l’accès à la parentalité, et à leur droit de fonder une famille sans père, alors merci de ne pas essayer de me faire dire le contraire ou d’essayer de me faire passer pour un mascu.
Mon problème concerne la place des hommes trans dans les revendications autour de la PMAi, qu’ils aient ou non pour projet de porter eux-même l’enfant.
Tout commentaire remettant en question le fait que des hommes trans puissent vouloir porter un enfant ne sera évidemment pas publié.]


Les luttes inclusives, un enfer pavé de bonnes intentions


On vous tolère, mais cette lutte nous appartient, donc vos gueules


Le principe d’inclusivité est bien pourave. Il consiste à se donner bonne conscience en « incluant » une minorité, qui en fait à tout autant que toi sa place dans une lutte ou un espace, mais en pré-supposant que la lutte ou l’espace t’appartient, et que finalement, c’est et ça restera chez toi, et que la minorité que tu « inclues » sera toujours l’invitée, que tu as placée là du haut de ton infinie bienveillance. Évidemment, le jeu consiste à ce que ce soit toi qui fixes les règles, et que tu décides de ce qui est entendable ou légitime comme revendication, et de la place que tu laisses à cette minorité. Généralement, t’es tellement sympa que t’as déjà pensé à tout avec tes potes, notamment aux revendications et aux modalités de lutte que la minorité invitée devra respecter, parce que quand même, déjà, c’est chez toi, et puis surtout, qui sont ces gens pour déjà avoir réfléchi à leur organisation et à leurs luttes ? Par ailleurs, tu peux tout à fait décider d’inclure des gens sans leur accord, une fois que tu auras décrété que ta lutte était « meuf, gouine, trans », « LGBT », du « féminisme inclusif » ou que sais-je, tu peux rester dans ton entre-soi sans consulter les personnes que tu as inclues, en effet, l’important c’est l’étiquette, pas le contenu.

L’astuce, si la minorité que tu inclues finit par dire que quand même, ce que tu fais est transphobe, raciste ou que sais-je, c’est de la traiter, non pas de cisphobe ou de raciste anti-blanc, parce que tout de même, on est entre gens déconstruits, et on sait bien que ça ne passera pas. Non, le plus simple c’est de crier à l’oppression ; que tu fasses partie ou non de la minorité que tu accuses ce groupe d’oppresser n’a pas d’importance, hein, l’important c’est d’utiliser les bons mots, voire ça peut très bien fonctionner d’utiliser une minorité dont tu ne fais pas partie pour justifier tes comportements foireux envers une autre minorité dont tu ne fais pas partie non plus, au bout d’un moment ça prend, et tu peux regarder de loin l’incendie que tu as allumé. 

Par exemple, si des mecs trans te disent : « ben en fait merci de nous inclure dans votre lutte, mais votre slogan est transphobe et nous dénie le statut de père, donc au pire ne nous incluez pas, on va se démerder », d’abord, feins de ne pas comprendre de quoi il s’agit, et insiste sur ta bienveillance. Éventuellement, fais comme si tu n'avais pas compris le problème et dis des choses comme : "Aha, transphobes, vous êtes contre l'idée que des hommes trans puissent porter un enfant !". Si les mecs trans pas d’accord ne sont toujours pas d’accord, ne se plient pas à ton avis, et ne disent pas « ha oui pardon, c’est pas grave qu’il y ai plus ou moins écrit : ‘les hommes trans ne sont pas des hommes’ sur votre banderole, et que en gros vous disiez la même chose que Ardissonii, merci d’avoir parlé de nous, c’est gentil », ben là c’est pas grave, utilise un mec trans que tu connais, même si tu ne lui en as pas parlé hein, c’est ton pote, il sert à ça, pour expliquer que t’as parlé avec machin et que lui ça lui pose pas de problème. Parler à des associations trans ? Pour quoi faire, t’as un ou deux potes sous la main qui peuvent te servir de caution, ça t’épargne une réflexion sur qui tu « inclues », pourquoi, sous quelles modalités, et sur si par hasard quelqu’un avait déjà réfléchi à la question en dehors de ton groupe de cis déconstruit-e-s ? Maintenant que tu as montré que tu étais quelqu’un de bien parce que toutes les personnes trans ne sont pas en désaccord avec toi, tu peux y aller et commencer à dire que de toute façon, les hommes trans pas d’accord font du « not all men » et sont des masculinistes. Ça fonctionnera parfaitement, pas d’inquiétude. Si y en a encore qui osent l’ouvrir, là l’astuce qui marche à tous les coups c’est de commencer à utiliser les femmes trans, même si tu n’en as jamais parlé avant dans quoi que ce soit, qu'il y en a entre 0 et 1 dans ton collectif, et qu'en vrai, ton collectif et toi avez complètement zappé les femmes trans de votre communiqué, et à accuser les hommes trans de transmsogynie.

SURTOUT, pense bien que si tu es un peu une star et/ou que tu utilises les bons mots, la majorité des gens n’écouteront pas ce que disent les gens pas d’accord et considéreront que tu as de toute façon raison, même si ce que tu racontes est complètement dénué de sens voire que tu te comportes en parfait-e transphobe !


Cas pratique : comment inclure et exclure dans le même temps les hommes trans des débats sur la PMA en faisant passer pour des mascus ceux qui disent que tes procédés sont transphobes


Certaines associations ou collectifs féministes ou LGBT avaient pris le parti de revendiquer une « PMA pour toutes », d’autres une « PMA pour tou-te-s ». Le nombre de ces groupes ayant travaillé et réfléchi en collaboration avec des associations trans est proche de zéro (non, avoir échangé avec une association qui t'a dit que c'était bien gentil de penser à les contacter la veille de la manif ne compte pas, désolé).

Mon avis là dessus, qui n’est évidemment pas partagé par toutes les personnes trans, et qui n’engage que moi, est que les deux options étaient foireuses, et que rien n’était possible sans un réel travail de fond avec les associations trans de terrain, et une prise en compte de toutes les revendications autour de l’accès et de la conservation de la parentalité chez les personnes trans, et non juste de l’accès à la PMA pour les hommes trans qui souhaitent porter un enfant. Évidemment, cette revendication précise, qui est celle qui a été (toutes proportions gardées, c’est à dire surtout sur les réseaux sociaux militants, donc en cercle fermé, et vaguement dans quelques tracts et communiqués à destination de l’extérieur) la plus mise en avant parmi les revendications autour des parentalités trans, est une revendication tout à fait légitime. Le fait que la loi Justice du 21ème siècle (2016) ait (théoriquement) supprimé l’obligation de stérilisation physique pour accéder à un changement de la mention de sexe à l’état civil, pour la remplacer lors de la loi sur la PMA, par une stérilisation sociale (si t’as changé d’état civil, tu ne pourras plus te servir de ton utérus) est aberrant et transphobe. Cela n’empêche pas que les revendications autour de la parentalité trans ne peuvent pas se réduire au remplacement de « toutes » par « tou-te-s » dans un slogan ou un titre de tract, ni par une vague ligne sur la possibilité pour les hommes trans de porter un enfant. Pour résumer, les personnes trans ne sont pas des personnes cis, et les revendications autour de leur accès à la parentalité s’inscrit dans un contexte de fortes difficultés d’accès aux soins, que ce soient ceux liés à une transition ou aux soins primaires, et de fortes discriminations sociales de manière plus générale. Il n’est donc pas pertinent du tout de simplement ajouter « et les hommes trans » à un endroit ou deux pour rendre « inclusif » un tract sur la PMA (aussi parce que les hommes trans ne sont pas des femmes cis).




Ci-dessus, deux exemples de banderoles croisées ces derniers mois et semaines et qui m’ont fait hurler tellement je les trouve absurdes (enfin transphobes, hein). NON, on ne peut pas « inclure » les hommes trans dans « pour tou-te-s » pour, deux mots après, revendiquer une PMA « sans père ». EVIDEMMENT que les femmes seules et les couples de femmes peuvent revendiquer une PMA sans père, dans une société sexiste et lesbophobes où la Manif pour tous prend une place terrible et crache de la merde sur l’importance pour les enfants d’avoir un papa et une maman. Mais bon dieu, est-ce que c’est une raison pour faire des choses aussi stupides que d’inclure les hommes trans pour leur cracher à la gueule deux mots plus tard en leur enlevant leur statut de père ? Vous croyez que la Manif pour tous, les médias et la société en général ne s’en charge pas déjà assez ? Et NON, ce n’est pas clair que ce sont deux revendications différentes puisqu’il s’agit du même slogan sur la même banderole, personne ne va comprendre ça comme ça en dehors de vos petits cercles déconstruits (tellement déconstruits que vous avez déconstruit au passage notre statut de père, wouhou, trop subversif !), et vous participez juste à la transphobie générale. On nous renvoie déjà bien assez à la gueule, que ce soit dans la société en général ou dans les espaces militants, qu’on n’est pas vraiment des hommes, et vous ne pouvez pas décider de votre propre chef, de parler pour les hommes trans parce que l’inclusion des mecs trans dans le féminisme c’est dans l’ère du temps, et que comme de toute façon y a peu de chances pour qu’on ose l’ouvrir de peur de se faire qualifier de mascus si on dit que votre manière de procéder est transphobe, vous pouvez bien nous marcher sur la gueule comme vous voulez. Donc à un moment, un peu de cohérence, soit vous bossez AVEC nous, et vous construisez des luttes dans lesquelles vous êtes nos alliées et on est les vôtres, dans des luttes spécifiques qui se rejoignent sur certains points, soit vous parlez pour vous et vous nous lâchez la grappe, au lieu de vous accaparer nos luttes n’importe comment. Vous n’êtes pas nos mamans.

La parentalité trans ne s’arrête pas à la PMA, et une pseudo-inclusion dans les revendications des femmes cis n’est pas suffisante


Une autre chose que je trouve très gênante dans cette « inclusion » des hommes trans dans les revendications sur la PMA est l’invisibilisation de toutes les autres problématiques autour de la parentalité trans. Il y a toutes sortes de revendications qui méritent d’être traitées. Je vais lister ici quelques exemple, mais cette liste n’est évidemment pas exhaustives, je veux juste illustrer le fait que de se concentrer sur les hommes trans qui souhaitent porter un enfant n’est pas pertinent.
  • Les hommes trans en couple avec une femme cis qui souhaite porter l’enfant ont déjà accès à la PMA en France, si l’état civil de l’homme trans est au masculin. Néanmoins, contrairement aux couples hétéros où l’homme est cis, ces couples ne peuvent pas directement bénéficier d’un suivi par les CECOSiii de leur lieu d’habitation, mais sont d’abord envoyés au CECOS de Paris, qui collabore avec la SOFECTiv, et qui donnent un avis puis renvoient vers les CECOS de région. Le fait que les CECOS de région demandent préalablement l’avis de Paris pour faire entrer ces couples dans une démarche de PMA est évidemment transphobe (t’as beau avoir changé d’état civil, t’es toujours pas un mec cis hein…). La partie « Contrôle de la parentalité » de la page Wikipédia consacrée à la SOFECT indique :

"Les familles « transparentales » ont accès à la PMA (c’est effectif à l'hôpital Cochin depuis le milieu des années 1990) pourvu qu’il s’agisse d’un couple hétérosexuel du point de vue de l’état civil, c’est-à-dire constitué d’une femme cisgenre et d’un homme trans. L’homme a été nécessairement stérilisé avant le changement d’état civil, si celui-ci a eu lieu avant 2016. Aucune autre configuration n’est possible dans l’état actuel (en 2019) du droit.
Au sujet de l'accueil des personnes trans dans les CECOS, l’anthropologue Laurence Hérault a décrit la mise en place à l’Hôpital Cochin d'un protocole de soin particulier, confié à la SoFECT, qui discrimine les familles transparentales. Elle analyse que les réticences initiales des équipes qui ont mis en place et mettent en œuvre ce protocole renvoient « à la conception pathologisante des personnes trans » et « à la mise en doute de leur capacité à s’inscrire de manière adéquate dans la filiation et la parentalité ». D'après elle, la démarche et les équipes hospitalières sont les mêmes que pour le contrôle de l’accès à la chirurgie : il s’agit ici d’identifier les « vrais bons pères », qui sont aussi de « bons vrais transsexuels », et ainsi éviter la « diffusion de la « pathologie » paternelle ». Elle conclut que « l’intervention d’un psychiatre devient un élément clé de l’ensemble des projets de vie des personnes trans, qu’il s’agisse de réaliser une transition, de changer d’état civil ou bien encore de faire un enfant ».»"v
  • Sous certaines conditions, certains CECOS de région permettent aux femmes trans (et certains aux hommes trans, mais pas toujours) de conserver leurs gamètes. Par contre, aucune certitude sur le fait de pouvoir les récupérer et s’en servir ensuite avec leur compagne (avec compagnon si il s’agit d’un homme trans, n'en parlons même pas).
  • L’accès à l’adoption pour les personnes trans est compliqué, parce que sans CECvi la plupart des choses sont compliquées dans la vie, mais un CEC en France implique que sur ton acte de naissance intégral (nécessaire pour une adoption), ton prénom et ton genre de naissance apparaissent toujours, les modifications étant portées en marge. Bien évidemment, cela t'oblige à exposer ta transidentité, ce qui bien évidemment complique considérablement l'accès à l'adoption d'un enfant.
  • Les femmes trans qui ont un enfant (à l’aide de leurs propres gamètes) avec une femme cis, ne peuvent pas reconnaître l’enfant en tant que mère et doivent adopter l’enfant, alors même qu'elle sont une des mères biologiques.
  • Des personnes trans sont aussi parents avant d’entamer une transition. Dans ce cas, plusieurs types de difficultés peuvent se poser. Par exemple, avoir des enfants mineur-e-s peut être un frein à l’accès à une transition, par exemple au sein de la SOFECT, ou encore à l’accès à un CEC. En cas de séparation ou de divorce, la transidentité du parent trans peut être utilisée par l’ex-e conjoint-e pour obtenir la gardevii.


Rien sur nous sans nous


La conclusion de cet article est plutôt simple : si vous êtes cis, abstenez-vous de parler pour nous. Vous pouvez être des allié-e-s si vous collaborez avec nous, et nous laissez la place qui nous revient sur les sujets qui nous concernent. Sinon, ça s’appelle de l’ingérence et du paternalisme. N’essayez pas de nous « inclure » dans vos luttes, nos besoins et nos revendications sont spécifiques, nombreuses, et méritent bien plus que le simple ajout d’une astérisque au coin d’un tract.


Notes de fin de texte :

iPMA : Procréation Médicalement Assistée
iii« Qu’est-ce qu’un CECOS » sur le site « cecos.org » : https://www.cecos.org/node/4204
ivLa page « SOFECT » de Wikipedia explique plutôt bien la main-mise de la SOFECT sur l’accès aux transitions : https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_fran%C3%A7aise_d%27%C3%A9tudes_et_de_prise_en_charge_de_la_transidentit%C3%A9
viCEC : Changement d’état civil. Chez les moldus, on entend par là une modification de l’état civil. Dans le langage trans, on distingue le CEC (modification de la mention de sexe à l’état civil) du changement de prénom (qui est aussi un changement de l’état civil, en vrai, mais dont la modification est souvent faite de façon distincte de la modification de la mention de sexe).
viiPar exemple : M. Le Corre (2015). Lorient : une femme trans se voit refuser la garde de son enfant en raison de son identité de genre, Yagg : http://yagg.com/2015/03/02/lorient-une-femme-trans-se-voit-refuser-la-garde-de-son-enfant-en-raison-de-son-identite-de-genre/

dimanche 25 juin 2017

Tutoriel injection d'Androtardyl dans la cuisse (sous titres français)

Hello!

J'ai déjà fait ici: http://imnotacisboy.blogspot.fr/2015/03/tuto-injection-dandrotardyl-fesse.html un tuto photo pour faire son injection de testo dans la fesse, et maintenant que j'ai une webcam qui fonctionne et que je suis passé à l'injection dans la cuisse, voici une vidéo explicative à ce propos.
Si besoin, vous pouvez activer les sous-titres.


mardi 15 novembre 2016

Récapitulatif photos sur 4 ans de mon opération du torse.



Bon bah voilà, j'ai fouillé mon ordi pour retrouver mes photos et les poster sur le nouveau forum, du coup j'en profite pour les poster ici aussi. Je trouve que ça a beaucoup évolué sur la dernière année au niveau du blanchissement des cicatrices.




vendredi 1 juillet 2016

Témoignage agressions sexuelles [Attention, témoignages et description d'agressions sexuelles, transphobie]


[Attention, témoignages et description d'agressions sexuelles, transphobie]


Je voulais écrire quelque chose là dessus. Alors ça a commencé par un récapitulatif, sous forme d'une liste, de témoignages d'agressions sexuelles que j'ai vécues entre mes 14 ans et aujourd'hui, 14 ans plus tard. J'aurais voulu en faire quelque chose de plus empowering comme on dit en anglais (et que je ne sais pas comment traduire en français, mais pour résumer vite, environ: un truc qui crée de la force, qui permet de prendre du pouvoir), en proposant des pistes pour pour se protéger et pour se remettre de ce genre de choses. Mais en fait pour le moment c'est pas encore possible, parce que je les cherches ces pistes. Je ré-écrirai plus tard, dans quelques mois j'espère, pour parler de ce que j'ai trouvé comme ressources pour me sortir de cet état désagréable dans lequel je suis en ce moment. J'avoue que j'espère qu'écrire et témoigner là dessus aura un effet positif sur moi.

Chronologie :

  • 14 ans (perçu comme fille) : Je suis en stage dans un magasin. Le petit-fils du patron traîne souvent par là et me tourne autour. Je suis en train d'accrocher des fringues et il en profite pour venir me peloter. Il m'embrasse dans la réserve. Quelques jours plus tard on a rendez-vous à la piscine. Quand on sort du bassin, il me suit dans ma cabine et ferme la porte derrière lui. Il se déshabille, essaie de m'enlever mon maillot de bain tout en se frottant contre moi et en me caressant l'entre-jambe et essaie de me faire toucher sa bite. Il veut me pénétrer, je dis non, il insiste, mes refus/son insistance durent longtemps. Il finit par laisser tomber et sortir de la cabine. Ensuite il me dit « désolé, j'ai abusé ». Ben oui. On ne se reverra pas ensuite, on se croisera juste dans un marché aux puces quelques mois plus tard, il fera comme si on ne se connaissait pas.
  • 16-18 ans (perçu -et je me vis- comme gouine, je suis perçu comme meuf en général mais pas tout le temps) : Je sors avec une fille qui me fout la pression pour que je me féminise, et se fout de ma gueule dans des contextes sexuels (de mon « manque d'expérience », du fait que je sois mal à l'aise, de mon corps, me reproche de ne pas avoir d'orgasme et de ne pas « arriver à lui en donner »), souvent en public. Elle me réveille souvent la nuit pour baiser (enfin plus précisément je me réveille souvent la nuit alors qu'elle est en train de me toucher). Parfois je dis que je n'ai pas envie d'avoir de rapport sexuel, mais ça se produit quand même. Quand je finis par réussir à la quitter, elle me harcèle pendant des mois, échafaude des plans pour « me récupérer » et monte des amies contre moi pour m'espionner. Je finis par réussir à couper complètement les ponts plus d'un an après la rupture. 10 ans plus tard, j'ai toujours peur de la croiser quand je passe dans la région, et j'ai parfois l'impression de la croiser dans la rue ou dans le bus alors que j'habite à l'autre bout de la fRance.
Entre mes 26 et 28 ans, soit ces deux dernières années (mec trans, perçu comme mec cis au premier abord, mais directement comme mec trans sur les sites de rencontre).
  • Je baise avec un mec cis rencontré sur internet. J'ai précisé que je ne pratiquais pas la sodomie. À un moment il essaie quand même. Je dis non, il arrête. Il me pénètre vaginalement depuis un moment, je commence à avoir mal, donc je lui dit « attends, arrête, j'ai mal », il répond « non attend, j'ai presque fini » et ne s'arrête pas.
  • Je suis chez un mec que j'ai rencontré sur internet. Quand il baisse mon boxer, il dit « ça fait longtemps que j'ai pas baisé avec une meuf ». Je ne réponds pas et commence à baliser. Il me coince contre un mur et commence à essayer de frotter sa bite contre mon génital sans capote. Je lui en tends une et lui dit de la mettre, il la prend et la pose par terre. Je la reprends et lui redemande de la mettre. D'un air exaspéré il dit « non, je la mettrai plus tard, arrête ». Je ne dis plus rien, j'ai envie de gerber et de partir mais je n'y arrive pas. Il la mettra effectivement plus tard, quand IL l'aura décidé. À la fin il me demande subtilement si je trouve quand même (= même si je suis trans) des gens qui veulent bien baiser avec moi. Pour la suite, voir là : http://imnotacisboy.blogspot.fr/2015/10/plans-cul-agressions-et-medecins.html (Je l'avais bloqué sur le site sur lequel il m'avait contacté. Quelques temps plus tard, il a créé un nouveau compte et m'a recontacté. Je lui ai foutu sous le nez ce qu'il avait dit et fait. Il n'en a rien eu à faire, ne s'est pas excusé et m'a proposé de re-baiser). 
  • Un mec cis que j'ai rencontré au sauna. Soudain, alors qu'on était en train de baiser, il me dit « ha mais tu baises avec des meufs, t'es gouine en fait d'habitude ». Je le pousse, lui dit qu'il est trop con et me casse. Je suis fier de moi d'avoir réussi à l'envoyer chier.
  • Un mec cis rencontré sur internet. Je reste 10 minutes chez lui en tout, il n'en a visiblement rien à foutre du fait que je prenne ou non mon pied, quand il a joui il faut que je me casse. Quand je rentre chez moi, j'ai un message de sa part sur l'application de rencontre : « t'es encore chaude ? ». Je l'engueule parce qu'il m'a parlé au féminin, il répond qu'il « parle de ma chatte », sans s'excuser. Quelques heures plus tard, il me recontacte encore en me parlant de nouveau au féminin , et me dit que dire qu'on est un mec et se servir de son vagin, c'est quand même chelou.
  • Un mec cis rencontré sur internet. Pendant qu'on baise, il utilise beaucoup (beaucoup) d'insultes au féminin, alors que j'avais dit que les insultes c'était ok, mais pas au féminin. Je ne me sens pas très bien mais je n'arrive pas à le dire. À la fin, il a dit "c'était ma première fois avec une trans". J'ai répondu : "Non, UN trans", et là il s'est marré, il a fait un sourire vraiment méga creepy et il a dit "ouais enfin avec une meuf tout court quoi". Là j'ai arrêté de répondre, parce que c'est devenu évident pour moi que c'était pas de la """maladresse""" mais qu'il le faisait exprès, et son sourire était vraiment super flippant. J'ai eu TRES peur et j'espérais juste qu'il allait se casser le plus vite possible et ne pas faire autre chose. Il s'est rhabillé et il a dit "j'espère que c'était quand même bien pour toi", et ce "quand même" est horrible aussi en fait.
Ça se conclue par le fait que cette dernière expérience abusive m'a complètement traumatisé, et que là je n'y arrive plus. S'ajoutent à ça les deux mecs cis avec qui j'ai déjà baisé qui me relancent malgré le fait que j'ai dit stop, que ce n'était pas du tout le moment. Y'en a un qui s'est permis de mal le prendre et de me faire une leçon sur le fait que je devrais baiser avec lui et qu'après ça irait mieux, et l'autre qui s'en fout et continue à me relancer toutes les semaines même si je lui ai dit clairement que ça n'allait pas du tout et que JE le recontacterai quand ça ira mieux (maintenant qu'il a insisté, ça devient évident que je ne le recontacterai pas).

Voilà, alors maintenant, je ne sais pas bien quoi faire de tout ça. Quand j'étais en couple considéré comme lesbien, je n'ai pas pu sur le coup mettre le mot de violences conjugales dessus, parce qu'il n'y avait pas de témoignages ni de supports accessibles sur ce thème à l'époque (d'autant qu'en 2006 ne commençais tout juste à avoir internet, sur l'ordinateur familial, avec une connexion en carton), les violences conjugales pour moi c'était un truc d'hétéro, ça ne pouvait pas me concerner. 

Actuellement, je bloque, parce que trouver des témoignages et des ressources sur des agressions sexuelles sur des personnes trans masculines, c'est galère aussi (évidemment, j'ai beaucoup de mal à lire en anglais alors j'imagine que ça ne doit pas aider). Alors je sais pas, voilà, je témoigne. Mais pour le moment, je ne sais pas vraiment quoi en dire, ni comment analyser tout ça, ni comment sortir de cet état merdique dans lequel je suis depuis plus de 3 mois. Je ne sais pas comment gérer ça, je m'inquiète pour tous les blocages (et dans une certaine mesure, une dysphorie que je n'avais jamais vraiment expérimentée) que la dernière expérience merdique a créés chez moi. Je suis inquiet à propos de comment gérer ça, et comment je vais gérer à l'avenir ma vie sexuelle et mes relations avec des « plans cul ». 

Les fois précédentes, j'ai géré ça en zappant ce qui s'était passé, et en passant le plus vite possible à autre chose, en minimisant les faits. Je suppose qu'il y a une part importante de transphobie intériorisée dans le fait de m'être dit plus ou moins consciemment que déjà c'était galère de trouver des gens qui voulaient bien baiser avec moi, j'allais pas en plus faire chier au moindre dérapage. Alors celui qui m'a dit « non attends, j'ai presque fini », j'ai préféré considérer que ça s'était « bien passé ». Alors qu'en fait non, si je dis stop, c'est stop, et c'est stop maintenant. Si je dis que j'ai mal, tu te préoccupes de ça connard, et pas de ton orgasme. Je pense qu'il y aussi une histoire de complexe d'infériorité, déjà avant d'avoir conscience que j'étais trans, quand j'étais en couple avec cette meuf qui m'a foutu dans la tête que j'étais de la merde, j'ai fini par y croire, par penser qu'elle avait raison, qu'elle avait plus d'expérience et qu'elle avait le droit de se foutre de ma gueule, de ma sexualité, de mon corps.

En ce moment, je suis aussi très en colère contre tous ces connards. Contre la première personne qui n'en a rien eu à foutre de mon consentement, et contre toutes celles qui ont suivi. Contre le dernier connard qui m'a utilisé après m'avoir manipulé en me faisant croire qu'il respectait mon identité, juste pour me sauter et m'humilier ensuite. Contre ces personnes qui ont eu l'impression de me faire une fleur en acceptant de baiser avec moi, pauvre trans. Contre celles qui n'en ont rien à foutre de moi, mais sont juste excitées par le fait que je sois trans. Contre ces sacs à merdes qui ont foutu en l'air des années de travail sur moi pour être à peu près à l'aise avec mon corps, ce qui fait que me foutre à poil, même seul, est devenu compliqué. Contre ces personnes qui pensent que je ne mérite pas qu'on mette une capote avec moi, parce que je suis que dalle pour elles. Contre le personnel médical qui a fait de la merde avec moi quand j'ai cru que j'avais une IST après une agression. 

Et oui, c'est pas cool mais c'est ce que je pense maintenant, et j'imagine que ça va finir par passer, mais je suis en colère contre moi de galérer pour en parler, d'avoir fait l'autruche en me faisant croire que tout allait bien à plusieurs moments après des agressions et que ça me pète maintenant à la gueule, et aussi pour ne pas avoir le courage de retrouver ces connards pour leur foutre le nez dans leur merde, parce que j'aimerais être assez confiant, sûr de moi et fort pour le faire.
Et là, je suis en colère parce que ça ne devrait pas être à moi de me sentir mal.

vendredi 16 octobre 2015

Plans cul, agressions et médecins


Je baise occasionnellement avec des mecs cis, et ça se ne se passe généralement pas très bien. Généralement je rentre en contact en ligne, mais c'est m'est aussi arrivé d'aller au sauna et de trouver quelqu'un sur place. En ligne ça simplifie les choses pour moi, parce que j'ai plus de facilités à verbaliser ce que je cherche et mes limites. En théorie, si des gens disent quelque chose qui craint, je les envoie directement bouler, parce que je considère que c'est rédhibitoire. En pratique parfois je suis passé sur des choses que des mecs ont dites, parce que je trouve ça quelque fois compliqué de tenir ça tout le temps.

La dernière fois, j'ai été au sauna et j'ai trouvé un mec sur place. Ça s'est mal passé, parce que pendant qu'on était en train de baiser il a dit de la merde. Je me suis senti mal parce que c'est violent de se prendre de la transphobie dans la gueule, d'autant plus quand je suis à poil et que c'est un truc de ré-assignation, mais j'étais content parce que j'ai réussi à arrêter le plan, à lui dire qu'il était un connard transphobe et à me casser.

Mais je ne suis pas toujours assez fort pour me tirer, et une autre fois avant ça, avec un connard mec que j'avais rencontré en ligne, ben j'ai pas réussi. Il n'a pas voulu mettre de capote quand je lui ai demandé de le faire (il l'a fait plus tard, quand lui en a eu envie). Avant ça, il a dit « ça fait longtemps que j'ai pas baisé avec une meuf », et j'ai pas réussi à l'envoyer chier. J'étais vraiment pas bien, je n'arrivais plus à dire ou faire ce que je voulais (l'insulter et me casser). Quand c'était fini, il a dit qu'il supposait que c'était compliqué pour moi de trouver des gays pour baiser (genre "je suis trop un mec sympa, j'ai bien voulu te sauter même si t'es trans"). Après ça, quelques jours plus tard, mes parties génitales ont commencé à me gratter et j'avais beaucoup de pertes, et au bout de plusieurs jours ça s'est beaucoup empiré et ça a terminé aux urgences. 


Là, j'en viens aux médecins. Pour faire court, j'en ai vu 5 différents (deux généralistes, un médecin d'SOS médecins, une gynéco et le médecin des urgences). 

  • Un généraliste, que j'ai vu deux fois pour ce problème là, ne m'a tout simplement pas examiné. La première fois il m'a juste donné un anti-douleur, la deuxième fois, alors que je suis arrivé à son cabinet de garde en n'ayant pas dormi depuis une semaine durant laquelle j'ai chialé et manqué de tomber dans les pommes à chaque fois que je devais pisser, et donc avec la gueule tordue par la douleur et en boitant et ne pouvant pas m'assoir, il n'a pas voulu m'examiner.
  • La première généraliste que j'ai vue, qui me connaît mieux que l'autre, lorsque je l'ai rappelée 2 jours après l'avoir vue parce que la douleur m'empêchait de dormir, a refusé de me prescrire des anti-douleurs.
  • La gynéco s'est comportée correctement et a été à l'écoute.
  • Le médecin des urgences, où je me suis rendu à reculons, parce que ma dernière expérience là bas avait été un concentré de transphobie, et parce que l'idée de me faire poser une sonde urinaire dans l'état où j'étais m'effrayait au plus haut point, n'a pas écouté quand je lui ai dit que j'avais trop mal pour qu'il m'examine avant de m'avoir donné un antidouleur, alors que je tremblais, que je me tordais de douleur, et que je n'avais pas pu pisser depuis plus de 12h. Je l'ai repoussé violemment, et là il a jugé opportun de me donner de la morphine avant d'essayer de me toucher. Il a ensuite perdu le prélèvement qui était le but de la manœuvre, et n'a pas jugé utile de m'en tenir informé, ce qui fait que suite à ça, j'ai poireauté plus d'un mois pour pouvoir faire un test sanguin me permettant de savoir si le connard avec qui j'avais baisé m'avait refilé une IST qui allait revenir périodiquement jusqu'à la fin de ma vie ou pas.
Au delà de la transphobie dont ont fait preuve la majorité des médecins que j'ai vus ce mois là (illes étaient clairement mal à l'aise avec le fait que je vienne les consulter pour un problème en lien avec mes parties génitales), d'autres choses m'ont dérangé dans ce qu'ils ont dit. 3 sur 4 (l'autre ne m'a même pas posé de questions), m'a demandé si j'avais eu un rapport sexuel. Tous ont sous-entendu que c'était avec un mec (comme j'ai un vagin, ça semble être la seule possibilité qui leur a traversé l'esprit), et qu'il s'agissait d'une pénétration pénis/vagin. Certes, là c'était le cas, mais ça aurait pu être un autre type de rapport et/ou j'ai pu de pas avoir eu que ça comme pratique au cours de ce rapport, ou ça aurait pu avoir lieu avec un autre type de partenaire. 

Les trois ont dit une phrase comme « Je suppose que c'était un rapport protégé ». Je trouve que ce type de question posée comme ça ne laisse pas la place à autre chose qu'à répondre par l'affirmative, parce que dire non implique d'admettre d'avoir fait quelque chose qui va être perçu comme une connerie. Par ailleurs, par « rapport protégé », ces médecins parlaient uniquement d'utiliser une capote dans le cadre d'une pénétration. Personne ne m'a demandé si je suçais avec ou sans capote et si je me faisais sucer avec ou sans carré de latex. Personne ne s'est demandé si j'avais utilisé des objets de façon safe ou pas. Ni si la personne avec qui j'avais baisé avait changé d'orifice sans changer de capote. Et personne ne s'est demandé si j'étais consentant. Et leurs questions ne laissaient pas de place, vu l'état d'anxiété dans lequel j'étais (après une agression sexuelle et en ayant peur de la transphobie des médecins), pour expliquer clairement ce qui s'était passé. 

Je pense qu'au delà du malaise qu'ils avaient l'air de ressentir face au fait de devoir m'examiner (c'est à dire en fait de simplement faire leur taff correctement), ils n'ont pas pensé que le fait que je sois trans fait que souvent, ces mecs cis ont l'impression de ma faire une fleur en baisant avec moi, et que ça leur donne l'impression de pouvoir me traiter comme de la merde. Je suis trans et comme beaucoup d'autres trans, j'ai des problèmes d'anxiété, qui font que pour moi dire « non », que ça soit à des plans cul ou à des médecins, c'est souvent vachement compliqué, tout comme tomber sur des personnes qui acceptent d'entendre quand je dis non, ou qui laissent de la place à mes limites.

Visibilité, y'en a marre que tout tourne autour de nos corps


Je voulais réagir sur un truc qui me met mal à l'aise. Ces derniers temps j'ai beaucoup vu tourner ce montage photo d'un trans qui s'est pris en photo tous les jours pendant plusieurs années pendant sa transition médicalisée. Je ne sais pas pourquoi ces photos tournent en masse en ce moment, mais en fait ça me gonfle. Je trouve ça cool que des trans témoignent de leur transition, parce que ça peut nous aider, nous, trans pendant nos propres transitions. Par contre, quand je vois les commentaires de plein de cis sur les réseaux sociaux quand ces montages tournent, en fait ça m'énerve. Parce que ces commentaires consistent à dire combien la personne en question est « réussie » (= a l'air cis), « sexy » (et si on est trans et moche?) ou « a eu raison de transitionner » (en vrai c'est souvent « de se transformer »). Au milieu de tout ça, bien sûr, y'a une plâtrée de sacs à merde qui viennent juste se la ramener pour dire que quand même, illes comprennent pas et que c'est trop bizarre, mais j'ai même pas envie de perdre mon temps à commenter ça. Là je veux parler des gens bien intentionnés qui viennent valider les trans, et plus particulièrement leurs corps, en pensant probablement que ça leur confère une super ouverture d'esprit. En fait c'est relou. 

J'aimerais qu'on n'ait plus à être validés par des cis qui nous viennent donner leur avis sur notre cis passing. Les trans qui sont validés et que ces personnes trouvent majoritairement sexy, ce sont ceux qui ne sont pas gros, qui ont de la barbe et des poils, qui sont vus comme beaux, qui sont opérés du torse, etc. Là c'est super, on octroie à ces trans un cis passing et on se demande si ils sont célibataires (et si ils sont en couple c'est jugé « trop chou » -oui, comme des chatons) (et oui, quand ce sont des mecs trans, comme par magie y'a presque que des meufs qui se posent la question, parce que bah évidemment on est supposés hétéros, quitte à être baisables). On n'a pas besoin de savoir si vous seriez enthousiaste à l'idée de baiser avec nous pour avoir un avis sur nos transitions en fait, merci. En fait je trouve ça hallucinant, quand je vois ce qu'implique ma transition dans ma vie, qu'y'ait des gens à qui ça inspire uniquement une échelle de sexytude.

Entre ces montages et les émissions de télé, je trouve que la visibilité ça pose quand même question, parce que ça se termine toujours en gros pathos ou en truc dégueulasse exotisant qui tourne toujours autour de nos corps. J'espère qu'un jour on n'aura plus besoin de ça, se mettre en scène nos transitions pour être validés, qu'on n'aura plus autant intériorisé la transphobie qu'on pense qu'il n'y a que la partie sensationnelle de nos transitions (le côté « transformation ») qui mérite d'être traitée, et qu'on sera écoutés quand on parle d'à quoi nous confrontent nos transitions (pas uniquement médicalisées, mais aussi et surtout sociales). J'espère qu'à un moment les cis réfléchiront à comment devenir des allié-e-s, et s'intéresseront à ce que ça nous renvoie quand la seule chose qui semble intéresser la majorité d'entre elleux, c'est si on est baisable ou « réussis ».