[Attention, témoignages et description d'agressions sexuelles, transphobie]
Je voulais écrire
quelque chose là dessus. Alors ça a commencé par un récapitulatif,
sous forme d'une liste, de témoignages d'agressions sexuelles que
j'ai vécues entre mes 14 ans et aujourd'hui, 14 ans plus tard.
J'aurais voulu en faire quelque chose de plus empowering comme on dit en anglais (et que je ne sais pas comment traduire en français, mais pour résumer vite, environ: un truc qui crée de la force, qui permet de prendre du pouvoir), en proposant
des pistes pour pour se protéger et pour se remettre de ce genre de
choses. Mais en fait pour le moment c'est pas encore possible, parce
que je les cherches ces pistes. Je ré-écrirai plus tard, dans
quelques mois j'espère, pour parler de ce que j'ai trouvé comme
ressources pour me sortir de cet état désagréable dans lequel je
suis en ce moment. J'avoue que j'espère qu'écrire et témoigner là
dessus aura un effet positif sur moi.
Chronologie :
- 14 ans (perçu comme fille) : Je suis en stage dans un magasin. Le petit-fils du patron traîne souvent par là et me tourne autour. Je suis en train d'accrocher des fringues et il en profite pour venir me peloter. Il m'embrasse dans la réserve. Quelques jours plus tard on a rendez-vous à la piscine. Quand on sort du bassin, il me suit dans ma cabine et ferme la porte derrière lui. Il se déshabille, essaie de m'enlever mon maillot de bain tout en se frottant contre moi et en me caressant l'entre-jambe et essaie de me faire toucher sa bite. Il veut me pénétrer, je dis non, il insiste, mes refus/son insistance durent longtemps. Il finit par laisser tomber et sortir de la cabine. Ensuite il me dit « désolé, j'ai abusé ». Ben oui. On ne se reverra pas ensuite, on se croisera juste dans un marché aux puces quelques mois plus tard, il fera comme si on ne se connaissait pas.
- 16-18 ans (perçu -et je me vis- comme gouine, je suis perçu comme meuf en général mais pas tout le temps) : Je sors avec une fille qui me fout la pression pour que je me féminise, et se fout de ma gueule dans des contextes sexuels (de mon « manque d'expérience », du fait que je sois mal à l'aise, de mon corps, me reproche de ne pas avoir d'orgasme et de ne pas « arriver à lui en donner »), souvent en public. Elle me réveille souvent la nuit pour baiser (enfin plus précisément je me réveille souvent la nuit alors qu'elle est en train de me toucher). Parfois je dis que je n'ai pas envie d'avoir de rapport sexuel, mais ça se produit quand même. Quand je finis par réussir à la quitter, elle me harcèle pendant des mois, échafaude des plans pour « me récupérer » et monte des amies contre moi pour m'espionner. Je finis par réussir à couper complètement les ponts plus d'un an après la rupture. 10 ans plus tard, j'ai toujours peur de la croiser quand je passe dans la région, et j'ai parfois l'impression de la croiser dans la rue ou dans le bus alors que j'habite à l'autre bout de la fRance.
- Je baise avec un mec cis rencontré sur internet. J'ai précisé que je ne pratiquais pas la sodomie. À un moment il essaie quand même. Je dis non, il arrête. Il me pénètre vaginalement depuis un moment, je commence à avoir mal, donc je lui dit « attends, arrête, j'ai mal », il répond « non attend, j'ai presque fini » et ne s'arrête pas.
- Je suis chez un mec que j'ai rencontré sur internet. Quand il baisse mon boxer, il dit « ça fait longtemps que j'ai pas baisé avec une meuf ». Je ne réponds pas et commence à baliser. Il me coince contre un mur et commence à essayer de frotter sa bite contre mon génital sans capote. Je lui en tends une et lui dit de la mettre, il la prend et la pose par terre. Je la reprends et lui redemande de la mettre. D'un air exaspéré il dit « non, je la mettrai plus tard, arrête ». Je ne dis plus rien, j'ai envie de gerber et de partir mais je n'y arrive pas. Il la mettra effectivement plus tard, quand IL l'aura décidé. À la fin il me demande subtilement si je trouve quand même (= même si je suis trans) des gens qui veulent bien baiser avec moi. Pour la suite, voir là : http://imnotacisboy.blogspot.fr/2015/10/plans-cul-agressions-et-medecins.html (Je l'avais bloqué sur le site sur lequel il m'avait contacté. Quelques temps plus tard, il a créé un nouveau compte et m'a recontacté. Je lui ai foutu sous le nez ce qu'il avait dit et fait. Il n'en a rien eu à faire, ne s'est pas excusé et m'a proposé de re-baiser).
- Un mec cis que j'ai rencontré au sauna. Soudain, alors qu'on était en train de baiser, il me dit « ha mais tu baises avec des meufs, t'es gouine en fait d'habitude ». Je le pousse, lui dit qu'il est trop con et me casse. Je suis fier de moi d'avoir réussi à l'envoyer chier.
- Un mec cis rencontré sur internet. Je reste 10 minutes chez lui en tout, il n'en a visiblement rien à foutre du fait que je prenne ou non mon pied, quand il a joui il faut que je me casse. Quand je rentre chez moi, j'ai un message de sa part sur l'application de rencontre : « t'es encore chaude ? ». Je l'engueule parce qu'il m'a parlé au féminin, il répond qu'il « parle de ma chatte », sans s'excuser. Quelques heures plus tard, il me recontacte encore en me parlant de nouveau au féminin , et me dit que dire qu'on est un mec et se servir de son vagin, c'est quand même chelou.
- Un mec cis rencontré sur internet. Pendant qu'on baise, il utilise beaucoup (beaucoup) d'insultes au féminin, alors que j'avais dit que les insultes c'était ok, mais pas au féminin. Je ne me sens pas très bien mais je n'arrive pas à le dire. À la fin, il a dit "c'était ma première fois avec une trans". J'ai répondu : "Non, UN trans", et là il s'est marré, il a fait un sourire vraiment méga creepy et il a dit "ouais enfin avec une meuf tout court quoi". Là j'ai arrêté de répondre, parce que c'est devenu évident pour moi que c'était pas de la """maladresse""" mais qu'il le faisait exprès, et son sourire était vraiment super flippant. J'ai eu TRES peur et j'espérais juste qu'il allait se casser le plus vite possible et ne pas faire autre chose. Il s'est rhabillé et il a dit "j'espère que c'était quand même bien pour toi", et ce "quand même" est horrible aussi en fait.
Ça se conclue par
le fait que cette dernière expérience abusive m'a complètement
traumatisé, et que là je n'y arrive plus. S'ajoutent à ça les
deux mecs cis avec qui j'ai déjà baisé qui me relancent malgré le
fait que j'ai dit stop, que ce n'était pas du tout le moment.
Y'en a un qui s'est permis de mal le prendre et de me faire une leçon
sur le fait que je devrais baiser avec lui et qu'après ça irait
mieux, et l'autre qui s'en fout et continue à me relancer toutes les
semaines même si je lui ai dit clairement que ça n'allait pas du
tout et que JE le recontacterai quand ça ira mieux (maintenant qu'il
a insisté, ça devient évident que je ne le recontacterai pas).
Voilà, alors
maintenant, je ne sais pas bien quoi faire de tout ça. Quand j'étais en
couple considéré comme lesbien, je n'ai pas pu sur le coup mettre
le mot de violences conjugales dessus, parce qu'il n'y avait pas de
témoignages ni de supports accessibles sur ce thème à l'époque
(d'autant qu'en 2006 ne commençais tout juste à avoir internet, sur
l'ordinateur familial, avec une connexion en carton), les violences
conjugales pour moi c'était un truc d'hétéro, ça ne pouvait pas
me concerner.
Actuellement, je
bloque, parce que trouver des témoignages et des ressources sur des
agressions sexuelles sur des personnes trans masculines, c'est galère
aussi (évidemment, j'ai beaucoup de mal à lire en anglais alors
j'imagine que ça ne doit pas aider). Alors je sais pas, voilà, je
témoigne. Mais pour le moment, je ne sais pas vraiment quoi en dire,
ni comment analyser tout ça, ni comment sortir de cet état merdique
dans lequel je suis depuis plus de 3 mois. Je ne sais pas comment
gérer ça, je m'inquiète pour tous les blocages (et dans une
certaine mesure, une dysphorie que je n'avais jamais vraiment
expérimentée) que la dernière expérience merdique a créés chez
moi. Je suis inquiet à propos de comment gérer ça, et comment je
vais gérer à l'avenir ma vie sexuelle et mes relations avec des « plans cul ».
Les fois
précédentes, j'ai géré ça en zappant ce qui s'était passé, et
en passant le plus vite possible à autre chose, en minimisant les
faits. Je suppose qu'il y a une part importante de transphobie
intériorisée dans le fait de m'être dit plus ou moins consciemment
que déjà c'était galère de trouver des gens qui voulaient bien
baiser avec moi, j'allais pas en plus faire chier au moindre
dérapage. Alors celui qui m'a dit « non attends, j'ai presque
fini », j'ai préféré considérer que ça s'était « bien
passé ». Alors qu'en fait non, si je dis stop, c'est stop, et
c'est stop maintenant. Si je dis que j'ai mal, tu te préoccupes de
ça connard, et pas de ton orgasme. Je pense qu'il y aussi une
histoire de complexe d'infériorité, déjà avant d'avoir conscience
que j'étais trans, quand j'étais en couple avec cette meuf qui m'a
foutu dans la tête que j'étais de la merde, j'ai fini par y croire,
par penser qu'elle avait raison, qu'elle avait plus d'expérience et
qu'elle avait le droit de se foutre de ma gueule, de ma sexualité,
de mon corps.
En ce moment, je
suis aussi très en colère contre tous ces connards. Contre la
première personne qui n'en a rien eu à foutre de mon consentement,
et contre toutes celles qui ont suivi. Contre le dernier connard qui
m'a utilisé après m'avoir manipulé en me faisant croire qu'il
respectait mon identité, juste pour me sauter et m'humilier ensuite.
Contre ces personnes qui ont eu l'impression de me faire une fleur en
acceptant de baiser avec moi, pauvre trans. Contre celles qui n'en
ont rien à foutre de moi, mais sont juste excitées par le fait que
je sois trans. Contre ces sacs à merdes qui ont foutu en l'air des
années de travail sur moi pour être à peu près à l'aise avec mon
corps, ce qui fait que me foutre à poil, même seul, est devenu compliqué. Contre ces personnes qui pensent que je ne mérite pas qu'on
mette une capote avec moi, parce que je suis que dalle pour elles.
Contre le personnel médical qui a fait de la merde avec moi quand
j'ai cru que j'avais une IST après une agression.
Et oui, c'est pas
cool mais c'est ce que je pense maintenant, et j'imagine que ça va
finir par passer, mais je suis en colère contre moi de galérer pour
en parler, d'avoir fait l'autruche en me faisant croire que tout
allait bien à plusieurs moments après des agressions et que ça me
pète maintenant à la gueule, et aussi pour ne pas avoir le courage
de retrouver ces connards pour leur foutre le nez dans leur merde,
parce que j'aimerais être assez confiant, sûr de moi et fort pour
le faire.
Et là, je suis en
colère parce que ça ne devrait pas être à moi de me sentir mal.
Bonjour Raph,
RépondreSupprimerTes témoignages m'ont beaucoup touché, je suis vraiment désolé pour tout ce que tu as vécu :/ tout mon soutien.